dimanche 2 février 2014

Cours d'hypnose sur Skype, Récap n°2 : les suggestions.

Deuxième récap des cours sur Skype !
Lors de ce deuxième cours, il a fallu aborder le sujet délicat des suggestions hypnotiques. Une fois les techniques d'inductions rapidement survolées, ce sont les suggestions qui font le cœur d'une séance, car c'est la partie où l'on s'amuse, mais pas n'importe comment !

Mon but ici est de vous donner quelques exemples de suggestion, un peu de théorie, mais surtout beaucoup d'éthique. Les phénomènes ne sont pas dangereux (une amnésie, ça ne tue personne), mais c'est la manière dont on les provoque qui demande des précautions.


Afin de nous accompagner dans les explications théoriques, 
je vous présente Monsieur Konscient et Monsieur Inconscient.
Ils nous guideront dans ces longs paragraphes qui ne se prêtent pas aux illustrations humoristiques.
Merci à eux.

La suggestion, comme son nom l'indique, consiste à suggérer des idées dans le but de produire des phénomènes hypnotiques. Les mécanismes psychologiques derrière ne sont pas encore bien compris, et il y a beaucoup de recherche sur le sujet. J'aime bien étudier différents modèles pour les tester lors de mes séances, d'ailleurs, que ça soit AIM, PNL, hypnose sans induction ou encore hypnose "traditionnelle". Mais je ne parlerai pas de ces modèles, parce qu'ils sont complexes et trop longs à décrire. On va se contenter pour l'instant de l'hypnose traditionnelle, celle qui est principalement utilisée en hypnose de rue.

Déjà, sachez que vos mots ont une importance capitale. Cependant, il n'existe pas de script parfait à apprendre par cœur pour réussir sa suggestion : chaque personne vivra les suggestions différemment, avec plus ou moins d'intensité. Le principe est de passer une idée de la manière la plus adaptée à la personne, et ça demande une grande capacité d'adaptation et beaucoup de compréhension de l'autre. Pour savoir si vos suggestions marchent ou non, un seul moyen : testez votre travail. Et si ça ne marche pas, demandez un feed-back, rusez, bref, débrouillez-vous; je ne peux vous passer que les bases, le reste vient par l'expérience.

Notez bien que Monsieur Konscient et Inconscient sont métaphoriques et ne forment en réalité qu'une seule et même personne, une seule et même entité.

D'un point de vue des phénomènes, les grands basiques sont les mouvements idéomoteurs, les catalepsies,  les amnésies et les hallucinations. C'est une liste très réductrice, car il existe autant de suggestions que vous pouvez en inventer, mais vous devez avoir suffisamment de recul pour savoir si ce que vous proposez est une bonne suggestion ou une mauvaise suggestion. Pour ça, deux questions simples : Est-ce que je voudrais vivre cette suggestion? Cette suggestion présente-t-elle un risque ?
On retourne sur la base de l'éthique avec les notions de bien-être et de sécurité.

Comme j'ai déjà dit, différentes théories circulent. Dans le domaine de l'hypnose de rue en France, on a deux principaux groupes : le groupe Hyp-n-Ose de Pank de Paris et la communauté Street-Hypnose fondée par J-E Combe basée à Toulouse. Chez HnO, ils parlent beaucoup de niveaux de transe. Ce sont des thérapeutes et distinguent une multitude d'états selon des critères plus ou moins précis... Je ne suis pas de cette école, et me contente de distinguer 3 états selon les suggestions. Notez donc ici que je ne parle pas de niveau de transe, mais de niveau d'intensité de réponse aux suggestions.
Dans ce modèle, on fait la différence entre distraction, dissociation et somnambulisme.

Mais même s'ils n'existent pas vraiment, 
c'est grâce à eux que nous expliquons nos phénomènes hypnotiques.

Juste un mot sur les niveaux de transe. On dit généralement que plus vous allez passer de suggestions, et plus l'état va s'approfondir, et donc plus de suggestions vont passer. Basé sur cette idée, le modèle des niveaux de transe dit qu'on ne commence pas par des hallus, qui seraient trop difficiles, trop brutales. On préfère suivre un ordre de suggestions, de la plus "simple" à la plus "dure". Cet ordre, c'est justement celui que j'ai décrit plus haut : mouvements idéomoteurs, catalepsie, amnésie, puis hallucinations. Mais en pratique, il est possible de réussir une amnésie quand même une catalepsie ne marche pas... De plus, on ne peut pas créer un transe-o-mètre qui dirait "Oh, là, c'est un niveau 5 !", ça n'a pas de sens : la profondeur de transe est un spectre continu, pas un ensemble d'états quantifiés. C'est pour ça que, même si le modèle des niveaux de transe présente une belle théorie, il se retrouve en contradiction avec la pratique. Donc je ne le privilégie pas.

Retour à notre classification par niveaux de réponse aux suggestions. Distraction, dissociation, somnambulisme.

Un premier point déjà pour ôter une idée fausse : le somnambulisme hypnotique n'est pas la même chose que le somnambulisme naturel. Le terme "somnambule" a été gardé historiquement pour décrire cet état hypnotique impressionnant, mais il n'a rien à voir avec le sommeil. Il en est même à l'extrême opposé. Je vous invite à lire mon article précédent sur le somnambulisme pour plus d'infos sur ce sujet passionnant.

Avec chacun de ces états, on va voir que la personne est de plus en plus détachée d'elle-même. Jusqu'au moment où, pour le somnambule, l'imaginaire prends le pas sur la réalité, ce qui permet de vivre les suggestions pleinement.

La distraction 

La distraction est l'état le plus volatile, le plus fragile. La suggestion est là, et tant que vous continuez de parler pour que la personne se concentre sur l'effet, la suggestion reste. Ce qui se passe, c'est que la personne crée son effet hypnotique (ce n'est jamais l'hypnotiseur qui crée les phénomènes, mais bien la personne qui se provoque à elle-même ses phénomènes), mais la suggestion n'est pas vraiment passée au niveau inconscient. Du coup, quand la personne arrête de penser à la suggestion de manière consciente, la suggestion s'en va. Par contre, avec une bonne distraction, si vous continuez à parler, la suggestion reste "au moins un peu", mais c'est volatile. On peut dire que la distraction distrait l'esprit critique de la personne pour l'empêcher de casser la suggestion.

La dissociation 

C'est en amplifiant une distraction qu'on passe à un état de dissociation. Ici, on a un inconscient présent qui retient l'effet hypnotique même si le conscient essaie de le casser. C'est le moment où le volontaire se trouve face à sa propre résistance. Vous pouvez identifier cet état simplement en arrêtant de parler, et en regardant si la suggestion reste.
C'est l'état que je connais le plus, vu que je l'ai beaucoup expérimenté. Personnellement, au niveau des sensations, j'ai un ressenti très agréable dans ces moments, en particulier pour les amnésies. C'est comme si entre le fond de ma tête et l'avant, il y avait vraiment une séparation ou des parties inaccessibles. Cette sensation de décalage est intrigante et curieusement agréable. C'est cool ! xD
Mais il ne s'agit que de mon ressenti personnel. Je n'ai jamais vu quelqu'un dire la même chose.

Par contre, il y a certaines phrases qui reviennent souvent et qui permettent d'identifier une dissociation. Par exemple, pour une amnésie, un volontaire dira des phrases comme "Je connais l'information, mais je n'arrive pas à la dire", ou, pour une dissociation plus forte "Je sais qu'après le chiffre 4, ce n'est pas le chiffre 6, mais je ne vois pas ce qui manque" (cas de l'amnésie d'un chiffre).

Le somnambulisme, un état très particulier.



Quand vous avez un volontaire en somnambulisme, vous devez être vigilant. Mon but ici est de dire les précautions à prendre avec ces volontaires qui partent parfois trèèès loin. Il y a des choses que vous devez faire si vous avez un somnambule (et vous en aurez : ce n'est pas un état rare, loin de là).

Théoriquement, un somnambule a tellement accepté la suggestion qu'il se crée une nouvelle réalité dans laquelle la suggestion est vraie. Contrairement à la dissociation où on peut être un peu shooté à cause de l'approfondissement, en somnambulisme la personne se sent parfaitement normale. Elle agit donc normalement, mais avec une suggestion ancrée au niveau inconscient.
Ca veut dire que, parfois, la personne ne le sait pas. Elle n'en a pas conscience. Elle est dans son univers où les choses sont différentes sans que ça soit anormal. Je ne sais pas si vous percevez maintenant à quel point le somnambulisme est un état particulier, mais vous devez redoubler de vigilance avec vos volontaires, sans pour autant montrer que vous êtes impressionnés.

Un somnambule, c'est toujours impressionnant et inattendu. Mais vous avez en face de vous une personne qui se sent parfaitement normale. Si vous montrez des signes de surprise, voire d'inquiétude, la personne s'en rendra compte, parce qu'elle est naturellement empathique ! Agissez donc avec elle tout comme vous agiriez avec n'importe quelle personne.

Encore plus impressionnant, un somnambule se crée petit à petit sa nouvelle réalité. Le but du jeu est de confronter un maximum de paradoxes entre le monde réel et sa réalité, en regardant ses réactions. De beaux paradoxes créent de jolis bugs, c'est ça qui est amusant.


Si vous avez un somnambule (et même, dans n'importe quelle séance), mettez des fusibles !
Un fusible est une suggestion qui permet à vous et à la personne de couper net les suggestions. C'est une sécurité importante, qui peut être utile dans pleins de contextes différents ! Pour les somnambules, c'est toujours à faire : mettre un fusible qui permet d'annuler automatiquement les suggestions, d'y mettre un terme.
C'est un ancrage simplissime à faire, mais à ne pas oublier : "Quand on te dira [tel mot], toutes les suggestions disparaîtront automatiquement." ou "Si les suggestions vont contre ta morale, ton éthique ou sont trop fortes émotionnellement, tu peux les arrêter instantanément.". Ces phrases ne sont pas à négliger ! Ce sont vos sécurités !

Juste pour l'anecdote, je connais un somnambule qui résiste inconsciemment aux réinductions. Dans ce genre de cas, si on oublie de mettre un fusible, il devient vraiment difficile de mettre fin à la suggestion...

Autre utilisation des fusibles : l'hypnose sur internet. Si la connexion vient à couper en plein milieu d'un phénomène, la personne pourrait se mettre à paniquer si elle a peur de rester bloquée dans son état (même si les suggestions partent avec le temps sans laisser de traces). Pour éviter une abréaction stupide, posez toujours des fusibles quand vous faites une séance par internet ! On les oublie trop souvent, et pourtant ils sont bien utile.
Un fusible pour cette situation est, par exemple : "Si la connexion venait à couper, ou si d'un coup tu ne m'entendais plus pour une quelconque raison, tous les effets et états hypnotiques cesseront d'eux-même et tu pourras retourner dans un état parfaitement conscient".

Voilà qui clôture le modèle des trois niveaux de réponse aux suggestions. On va maintenant pouvoir attaquer le cœur du sujet : les suggestions d'hypnose de rue.

Comme j'avais dit très rapidement, les phénomènes sont très variés. J'avais parlé au-dessus de mouvements idéomoteurs, de catalepsie, d'amnésie et d'hallucinations. Voici quelques définitions :

Mouvement idéomoteur

"Et là, la main monte..."

Ce sont les suggestions utilisées pour les tests de suggestibilité. C'est simple, ça se traduit par "une idée crée un mouvement". Donc, simplement, l'exemple des livres et ballons, c'est du mouvement idéomoteur. C'est très simple à obtenir et en street, ça permet déjà de bien faire comprendre aux volontaires que "ça marche".

Exemple : dans les mains aimantées, jouez avec les aimants imaginaires de votre volontaire. "Tu vas voir que quand je vais claquer des doigts, la polarité des aimants va changer, et ils vont se repousser. *clac* Et maintenant, les mains se repoussent.".
Ou alors "Je prends les aimants, et maintenant j'attire tes mains dans tous les sens."
C'est rigolo, n'hésitez pas à prendre le temps pour que ça marche bien.

Catalepsie (et bouton du rire)


La catalepsie, c'est un peu comme du super mouvement idéomoteur, mais avec l'effet inverse : au lieu de bouger, une partie du corps devient totalement immobile, comme sur la vidéo du dessus.

C'est un effet facile à avoir, et bien souvent la première preuve très concrète d'hypnose pour votre volontaire s'il était jusqu'alors dubitatif. Une catalepsie en distraction sera volatile, et si elle lâche, il faudra ruser. Ne vous détruisez pas votre crédibilité directement, et essayez de contourner les difficultés de la personne en lui demandant un feedback. Si ça ne marche pas, faites un idéomoteur qui débouche sur une catalepsie, ou encore, faites une autre catalepsie ! Testez et vous verrez bien ! C'est à vous d'apprendre à rebondir sur vos échecs, et des échecs, vous en aurez forcément de temps en temps ! C'est là qu'on apprends.

Le gros monsieur de la vidéo est remarquable pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il commence dès la première seconde à placer des suggestions indirectes "Je n'ai même pas besoin de faire une induction pour que ça réussisse" -> "Ca va marcher." Il pose également très rapidement un contexte pour s'assurer une forte crédibilité en demandant à la personne de confirmer ce qu'il dit -> gain de crédibilité.
Et enfin, quand il fait la suggestion, on voit clairement sa conviction, et c'est quelque chose d’extrêmement important dans la réussite de vos phénomènes.
Plus vous aurez de conviction dans votre réussite, plus vous montrerez à votre volontaire que vous êtes sûr de vous. Et comme l'hypnose est basé sur la communication, plus vous montrerez que vous êtes sûr de ce que vous faites, plus ça marchera. Cependant, c'est un cercle vertueux à doubles tranchants : adoptez une attitude de doute et vos phénomènes auront plus de mal à passer... Pas évident quand c'est une première fois ! Et pourtant, c'est un conseil qui vaut de l'or. Gardez toujours cette conviction, elle est primordiale, quel que soit le phénomène.

En première catalepsie, je fais souvent la main collée à la tête :

"Imagine que je mets de la colle super forte sur ta main et que, paf, je la colle sur ta tête. Et que du coup, la main se retrouve complètement soudée, complètement collée, impossible à détacher. Je vais simplement compter jusqu'à 3, et à 3, cette main sera complètement collée à la tête, impossible à bouger, comme si elle était complètement attachée. Et plus tu vas essayer de la décoller, moins tu vas y arriver. C'est comme si, si tu exerces une force pour la retirer, c'était la force inverse qui se créait, t'empêchant complètement de détacher cette main.
Avec le 1, la main se colle de plus en plus, de plus en plus fort.
2, impossible de la décoller du moindre millimètre
3, complètement collée, complètement soudée. Plus tu essaies de la décoller, et moins tu y arrives. C'est complètement im-po-ssible de décoller cette main."

Notez déjà une chose importante : je ne parle pas de "ta main", mais je parle de "la main" ou "cette main". Cette différence permet d'accentuer la dissociation, comme si au final, la main agissait de sa volonté propre et n'appartenait plus à la personne. C'est l'effet qu'il faut obtenir.
Et même si mon texte s'arrête, continuez de parler et de répéter les choses : vous entretenez la distraction.

Les résultats vont d'un plantage complet à une main impossible à décoller. En dissociation, un cas particulier peut être "Je pense que je peux bouger ma main, mais je n'en ai pas envie" : c'est déjà une réussite ! (même si généralement, en bonne dissociation, les gens luttent contre eux-même, et ils s'amusent tout seuls)

Si elle rate, pas de problème ! Demandez un feed-back, et tenter une deuxième catalepsie : le bras impossible à plier, ou catalepsie du bras tendu.


Demandez au volontaire de tendre le bras et de fixer son poing.

"Imagine que dans ton poing, tu as quelque chose de super important pour toi, que personne de doit voir. Et tu serres très fort le poing autour de cette chose, à tel point que le poing devient complètement rigide, comme si on avait retiré l'air à l'intérieur. Et plus tu visualises la chose dans ton poing, plus tu la fixes, et plus cette rigidité monte le long du bras jusqu'à l'épaule. Et partout où je touche, le bras devient complètement solide, tendu, rigide..." (là, on prend la rigidité au niveau du point, et on la diffuse tout le long du bras, en particulier au niveau de l'articulation.)
Le reste est comme pour la main collée : avec un décompte, on répète la suggestion : le bras devient impossible à plier, plus t'essayes et moins t'y arrives, etc...

Cette catalepsie a beaucoup plus de chance de passer, mais faites là en deuxième. Elle passe plutôt mal après une induction car la personne est détendue et donc toute molle : je trouve que c'est pas facile de faire tendre un bras dans ces conditions...
Ou sinon, vous pouvez faire une catalepsie des paupières. C'est extrêmement facile, à tel point que c'en est  presque une blague. Mais ne la faites pas durer très longtemps, ce n'est pas très intéressant...


Si vous ratez les catalepsies, faites une réinduction avec votre ancrage du mot dors savamment placé en approfondissement, et rattrapez-vous avec un bouton du rire : quand on touche l'épaule du volontaire, il a un énorme éclat de rire incontrôlable. Je vous laisse imaginer le texte de cette suggestion, il est super simple, même pas besoin de décompte (juste pour réveiller rapidement).
Si vos catalepsies sont bien ou moyennement passées, essayez quand même les amnésies. Comme j'ai dit, même avec de faibles catalepsies, on peut avoir de superbes amnésies, tout dépend du volontaire !

Amnésies (et changement de langage)


Tout le monde comprends de quoi on parle quand on parle d'amnésie. Le but de ces suggestions est de faire oublier une information. Je rappellerai jusque que les amnésies sont momentanées et s'arrêtent à la fin de la suggestion, et que les souvenirs occultés reviennent sans soucis. En réalité, ils n'ont pas été oubliés, mais juste ignorés, donc ils sont toujours présents.

Mon amnésie préférée est sans aucun doute l'amnésie du chiffre ! J'en ai un très bon script qui offre de bons résultats, et je ris énormément avec.

Les hypnotiseurs utilisent beaucoup de métaphores, car elles servent de support à l'imaginaire et de vecteurs pour les suggestions. Les métaphores "classiques" pour les amnésies sont celles du tableau qu'on efface avec l'information dessus, la petite boite dans laquelle on met l'information et qu'on ferme avec un cadenas, le brouillard qui vient occulter l'information, ou encore le petit bout de papier qu'on déchire et qui disparaît complètement avec ce qu'il contient.
Ces méthodes marchent. Mais je préfère largement faire mon amnésie du chiffre de manière systémique, en installant une mécanique mentale.
Le défaut de ces métaphores, selon moi, est qu'elles font focaliser la personne sur l'information à oublier. Mais c'est impossible d'oublier quelque chose quand, consciemment, on est focalisé dessus !
Ma technique consiste donc à ne jamais prononcer la chose à oublier. Voici comment je procède pour mon amnésie du chiffre :

"Maintenant, il va y avoir une mécanique qui va se mettre en place. Quand tu comptes, maintenant, ça fait 1 2 3 4 5 6 8 9 10. C'est à dire qu'il n'y a jamais eu aucun chiffre entre le 6 et le 8, tout comme il n'y en a aucun entre le 2 et le 3 ou le 3 et le 4. Ca viendra automatiquement : 1 2 3 4 5 6 8 9 10. 1 2 3 4 5 6 8 9 10. Après le 6, c'est le 8. Ca a toujours été comme ça et c'est parfaitement naturel. Je vais compter jusqu'à 3, et à 3 tu ouvriras les yeux, et tu compteras tout naturellement 1 2 3 4 5 6 8 9 10, de mieux en mieux."

Au réveil, ne demandez pas directement à la personne de compter. Posez lui déjà quelques questions "Ton nom? Tu sais quel jour on est? Tu sais combien tu as de doigts? Vas-y, compte avec moi ! "

Si ça marche, vous avez la meilleure des suggestions pour vous amuser tous ensemble. Il y a beaucoup à faire avec l'amnésie du chiffre, en particulier le 7.
Combien de jours dans une semaine? 
5+1? Ok. 5+3? Ok. Et 5+2, ça fait quoi?
Combien de nains dans Blanche-Neige et les 7 nains ? (paradoxe ultime et parfait. S'il passe, celui là, c'est génial. <3)

Ici aussi, plusieurs niveaux de réponses à la suggestion. La distraction est tellement volatile qu'elle ne provoquera qu'un simple bug, une brève hésitation.
La dissociation, au contraire, est super cool à vivre. Phrase type : "Je connais l'information, mais je n'arrive pas à la dire." ou "Je sais qu'après 6, ce n'est pas 8, mais je ne sais pas ce qui manque."

Un somnambule trouvera la situation normale. Oui, on a 11 doigts sur les mains quand on compte les doigts un par un et 10 doigts quand on les comptes deux par deux, "5+2 = six et demi", ou autres. Amusez-vous bien, parce que c'est vraiment super drôle, ce moment là.

On peut aussi faire l'amnésie du prénom, d'un jour de la semaine, d'une personne, et pleins d'autres choses encore !
D'ailleurs, si vous commencez par le prénom, évitez de dire "tu oublies complètement ton prénom, blablabla, ton prénom, blablabla ton prénom", sinon vous allez ramener l'information au conscient. Contournez cette difficulté avec "cette information" ou n'importe quelle paraphrase. Tout comme pour la catalepsie où on parlait de "cette main" au lieu de "ta main", cette astuce favorise la dissociation.


Même après de bonnes amnésies, ne commencez pas directement les hallus, ça peut passer, mais c'est tendu. Testez donc un changement de langage ! Un volontaire qui ne peut parler qu'en anglais, qui béguais, qui parle avec un accent chinois, il y a de très nombreuses possibilités.
Pour ces suggestions là, je vous conseille une métaphore chouette : commencez déjà par une suggestion classique avec réinduction. Ensuite, après le réveil, si la suggestion a marché, proposez l'image suivante :

"Là, c'est comme si on avait un lecteur CD, et que tout de suite, tu avais le CD d'Anglais. Je retire ce CD et remets le CD français. Ca va? (La personne par en français).
Oh oh oh, mince. Je pense que c'était un CD français rayé. C'est bête, il fait parler comme les CD rayés, tu sais, en buggant et en répétant certains mots... Ou alors en bégayant sur les mots, de plus en plus." etc, etc.
Cette métaphore avec le lecteur CD est une très bonne trouvaille que nous avons fait en Hangout avec le forum Street-hypnose. Abusez-en, elle est très pratique pour passer des suggestions "à froid".

Hallucinations

Il y en a deux types : les hallucinations négatives et les hallucinations positives. Une hallu négative consiste à ne pas voir un objet qui existe réellement, tandis qu'une hallu positive crée quelque chose d'imaginaire qui n'existe pas physiquement.

On considère à tords que les hallucinations sont des suggestions complexes. A cause de cette idée, peu d'hypnotiseurs arrivent à en avoir quand ils sont en transe, parce qu'ils sont tout seuls bloqués par cette idée. C'est dommage, parce que c'est faux. Beaucoup de volontaires arrivent à avoir des hallus, il faut juste les tenter. Peut-être même qu'ils y arrivent parce qu'ils ne savent pas que c'est dur ! Alors mettez-vous ça dans la tête : vous pouvez avoir des hallus comme tout le monde. Il s'agit simplement d'un mécanisme différent, tout comme les mécanismes de catalepsie sont différents des mécanismes d'amnésie.

... Malgré cela, je n'ai déjà donné que deux suggestions d'hallucinations. Je ne suis pas suffisamment calé pour vous donner des exemples développés, mais essayez celles-ci : faire apparaître dans les mains du volontaire l'animal le plus petit et le plus mignon du monde, ou transformez-vous en sa star préférée, ou la personne qu'il admire le plus au monde...
Il y a beaucoup de suggestions d'hallu, mais je les connais trop peu. Je n'ai cité que des hallucinations visuelles, mais elles marchent avec tous les sens.

Pourquoi approfondir et réinduire ?


Réinduire n'est pas obligatoire. On peut approfondir par des suggestions plus difficiles : c'est un approfondissement par la suggestion, par la preuve. Mais quand on débute, on place généralement les suggestions après une réinduction, car relaxation et état hypnotique sont légèrement corrélés. La relaxation est donc une aide, mais elle n'est pas obligatoire.

Dans le modèle des niveaux de transe, on dira que chaque approfondissement et chaque réinduction fait passer un niveau pour la suggestion suivante. J'ai dans l'idée que c'est pas vrai, et que c'est simplement la qualité de votre suggestion qui produira l'effet. C'est de cela dont je parlais quand je disais qu'on pouvait commencer une séance par une amnésie après la première induction. L'ordre n'est pas obligatoire.

On peut approfondir aussi avec des réinductions successives : c'est ce qu'on appelle le fractionnement. Le but de chaque réinduction est de doubler l'état de relaxation et de profondeur. Le fractionnement consiste à faire une induction, réveiller la personne, la réinduire juste après, la réveiller encore (et là, normalement, elle est déjà dans les vapes), la réinduire, et répéter le processus plusieurs fois. Ce sont des réinductions faciles, avec un simple "Dors" bien placé. Par contre c'est un approfondissement bourrin, alors faites attention de ne pas trop le faire. Et n'oubliez pas de faire un bon réveil à la fin de la séance !

Suggestions de réinductions et roulette russe hypnotique


Les suggestions de réinductions sont très simples à faire. Cela dit, n'oubliez pas qu'une induction, ça vient de la personne : induction instantanée ne rime pas avec induction "automatique". Malgré cela, après plusieurs réinductions, le processus devient très rapide et presque involontaire. C'est à ce moment là que l'on peut s'amuser avec certaines suggestions de réinduction originales.

Par exemple, "Dès que tu verras (telle chose), tu retourneras instantanément dans cet état de profonde relaxation." peut servir de réinduction avec n'importe quoi : le copain hypnotique, le stylo hypnotique, les chauves hypnotiques, l'air hypnotique... Adaptez vous à votre environnement !

On peut aussi dire à son volontaire qu'on a un pistolet hypnotique dans la main, et que quand on tirera avec, la personne retournera en transe. Pas besoin d'hallucination pour cette suggestion, le simple "PAN" avec le geste suffit. Si cette réinduction passe bien, et que vous avez plusieurs volontaires, faites donc une roulette russe hypnotique !

Les règles sont simples. Un pistolet imaginaire chargé avec une seule balle hypnotique circule entre les volontaires, et chacun se tire dessus à tour de rôle. Celui qui se prend la balle retourne en transe. Et voilà ! C'est un petit jeu d'hypnotiseurs sympa comme tout !

Par contre. Ethique : les réinductions sont dangereuses. Faites attention aux volontaires qui pourraient tomber et se faire mal : soyez toujours à côté d'eux et prêt à les rattraper !

C'est d'ailleurs le moment de faire un point sur l'éthique, pour terminer cet article.

Ethique et suggestions interdites

 Respecter l'éthique, c'est respecter l'écologie du volontaire.

Vous faites vos suggestions pour que la personne passe un super moment. Vous ne faites pas vos suggestions pour amuser la galerie et mettant l'autre en spectacle. Pensez humain avant tout : aimeriez-vous vivre la suggestion que vous proposez à votre volontaire ? Votre suggestion est-elle sécurisée physiquement (terrain adapté) et hypnotiquement (fusibles) ?

Mettez-vous vraiment dans la peau de votre volontaire. N'allez jamais à l'encontre de sa morale ou de ses principes. Soyez respectueux de sa personne et de son intégrité. N'entravez pas ses valeurs personnelles, et vous proposerez des suggestions agréables, amusantes et sécurisées (souvenez vous des abréactions).

Aussi, vous n'êtes pas hypnothérapeutes. L'hypnose est un outil utilisable de bien des manières, mais vous n'avez pas le droit d'hypnotiser quelqu'un pour l'aider à lutter contre une addiction ou une douleur physique ou psychique. Au contraire, vous risqueriez d'empirer les choses en jouant les apprentis sorciers.
Dans le même registre, on n'hypnotise pas les personnes présentant des troubles psychologiques. Vous risquez de provoquer une abréaction car vous connectez de conscient et l'inconscient de la personne.

La charte de déontologie du street-hypnose fixe une limite d'âge à 16 ans. D'un point de vue des responsabilités civiles, je vous conseille de ne pas hypnotiser en dessous de 18 ans. Quel que soit la situation, n'hypnotisez pas en dessous de 15 ans : le cerveau est encore en plein développement. (Je n'ai pas de sources de ce que je dis. Je ne fais que relater ce que j'ai lu sur le forum de Street-hypnose).

On ne fait pas d'hypnose avec des volontaires soûls ou sous l'emprise de drogues. Ces personnes sont déjà dans un état modifié de conscience. Encore une fois, vous risquez l'abréaction.

Evidemment, vous êtes responsables des suggestions que vous proposez. Le cas est déjà arrivé où une personne voulait avoir une hallucination de son ami décédé quelques jours plus tôt. Vous devez évidemment refuser de faire cette suggestion, encore une fois à cause du risque d'abréaction. Tout ce qui touche aux traumatismes n'a pas sa place dans une séance d'hypnose de rue. Jamais.

Aussi, certaines suggestions sont interdites.

Catalepsie générale dans Le livre de la Jungle (1967). Comme quoi, c'est pas parce que c'est Disney que c'est bien ! è_é

Premier cas, la catalepsie générale.

C'est une catalepsie souvent faite en spectacle, et on vous en parlera souvent durant les pré-talk. Le corps de la personne est complètement rigide, et on l'allonge entre deux piquets, entre deux chaises, et on voit qu'elle tient très droit, même quand on s'assoit dessus ! Magie !

Mais cette suggestion est dangereuse. L'hypnose ne décuple pas les capacités physiques. La personne force pour tenir dans cette position, et ça fait mal. Plusieurs volontaires après ces catalepsies en spectacles déclarent avoir mal aux abdominaux, et ont des crampes dans des muscles qu'ils ne connaissaient même pas. Une catalepsie du bras provoque le même phénomène hypnotique, tout aussi impressionnant, mais est sans danger pour la personne ! Donc, ne faites jamais cette suggestion, elle est complètement inutile.

Autre suggestion interdite : les régressions.
On parle de régression quand on fait revivre au volontaire son passé, souvent sa petite enfance, voire la sortie du ventre de sa mère. C'est une suggestion qu'on peut souvent voir en spectacle, parce que les gens deviennent ridicules.
C'est abominable. Dans le passé des gens se cachent toujours des traumatismes, et vous leur laissez la porte ouverte pour s'exprimer. Les régressions sont des nids à abréaction. Ne les faites jamais. Vraiment. Vous n'avez aucun moyen de savoir avec quoi vous jouez.
De plus, c'est une suggestion toute nulle, parce qu'elle met le volontaire en spectacle, et ce n'est pas le but.


Au moment où j'écris cette conclusion, on est en Février. Déjà. Il y a eu masse de retard, mais je peux enfin clôturer ces deux articles sur l'hypnose. Avec ceci, vous avez des bases qui, si elles sont bien utilisées, peuvent vous permettre de faire une séance complète : pré-talk, tests, induction, approfondissement, catalepsie/bouton du rire/amnésie/changement de langage/hallus, réveil.
Mais, au milieu de tout cela, le message le plus important est le suivant : faites attention à vos volontaires, et faites leur découvrir leurs capacités d'imagination, dans le respect complet et profond de la personne humaine. Ne faites pas d'hypnose pour flatter votre ego; ça ne servira à rien ; vos volontaires passeront de mauvaises séances et c'est dangereux pour eux et pour vous.

J'ai beaucoup appris depuis Octobre. Je peux voir que l'article 1 n'est plus à jour. Ma vision a changé; il y a des rectificatifs à faire. Peut-être que des articles annexes viendront compléter et corriger ce qui se trouve ici.
En attendant, un grand merci aux courageux lecteurs qui sont arrivés jusqu'au bout ! N'hésitez pas à poser vos questions et remarques en commentaires : j'y répondrai !

La prochaine fois, on démarre une série d'article sur le thème de l'Internet ! Et il y a beaucoup à dire ! :D
Salut ! 

1 commentaire:

  1. Super intéressant comme article j'ai pu retrouver moi même des choses que je me disais ou que j'imaginais quand je débutais. Notamment le l'oublie du nom où je répétais trop souvent celui du sujet.
    Sinon en terme d'hallucination j'en ai trouvé quelques-une plutôt amusante telle que la transformation en schtrouph qui peut même toucher le sujet lui même. Il est alors très amusé. La seul choses importante est d'utiliser quelques choses facile à imaginer et quotidien pour tout le monde. L'apparition d'un éléphant rose est également très simple (on a tous été bercé par Dumbo) ^^
    Sinon en dehors du visuel, la création de la chaleur ou du froid est très simple en utilisant des images tel que le sahara ou l'antarctique.
    Enfin il est aussi simple de changer le goût sans même avoir besoin de dormir. Même sans l'hypnose si tu penses à un aliment tu réussi à plus ou moins ressentir le goût (sous hypnose c'est 20 fois plus fort). Il est assez simple de faire ça avec le sujet sans l'avoir endormi. Je le fais très fréquemment ou avec un fumeur, à chaque fois qu'il tire on lui explique que le goût est nouveau (bon comme mauvais c'est super efficace).

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